Les manifestations cliniques

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Les troubles de la déglutition

La MCL affecte à la fois les fonctions motrices et cognitives. Ces atteintes peuvent entraîner des perturbation des mouvements musculaires (rigidité, lenteur et tremblements des muscles impliqués dans la mastication et la déglutition). Le malade peut alors éprouver des difficultés à initier ou à coordonner le mouvement de déglutition.

Les troubles cognitifs et attentionnels peuvent également entraîner des difficultés à se concentrer pendant les repas, l’oubli des consignes ou de l’acte de déglutir.

Le réflexe de déglutition affaibli peut entraîner des fausses routes (passage des aliments ou liquides dans les voies respiratoires au lieu de l’œsophage), parfois silencieuses (sans toux). Le malade peut s’étouffer en buvant ou avec un morceau de nourriture.

Le spécialiste peut faire une vidéo de déglutition afin de mettre en évidence ces troubles de la déglutition.

L’hypersensibilité aux neuroleptiques

Les neuroleptiques (ou antipsychotiques) sont parfois prescrits pour gérer certains troubles du comportement chez les personnes atteintes de démence (hallucinations, agitation, idées délirantes). Toutefois, dans la MCL, ces traitements doivent être abordés avec une extrême prudence.

Les personnes atteintes de MCL présentent une hypersensibilité fréquente aux neuroleptiques, ce qui les expose à des effets secondaires graves, voire dangereux pour leur vie.

Effets indésirables possibles :

  • perte rapide et marquée des capacités cognitives,
  • sédation importante (état de somnolence profonde),
  • chutes,
  • confusions, délires,
  • apparition ou aggravation d’un syndrome parkinsonien,
  • dans certains cas, symptômes proches du syndrome malin des neuroleptiques, pouvant entraîner le décès.

⚠️ À éviter absolument :

Les neuroleptiques typiques de première génération (comme l’halopéridol) sont contre-indiqués dans la MCL, car ils sont très mal tolérés.

En cas de nécessité absolue :

Si un traitement est vraiment indispensable pour soulager une situation aiguë ou très délétère (ex. : hallucinations menaçantes), il convient d’ utiliser :

⚠️ Une médication peut agir sur un symptôme et avoir des répercussions sur d’autres manifestations de la maladie. Chaque symptôme a son traitement spécifique.

Le syndrome parkinsonien (troubles moteurs)

Au fil de l’évolution de la maladie, la majorité des personnes atteintes de MCL développent des symptômes moteurs similaires à ceux observés dans la maladie de Parkinson. Ces signes, regroupés sous le terme de syndrome parkinsonien, incluent notamment :

  • Des tremblements (plus rares et moins marqués que dans la maladie de Parkinson),
  • Une hypokinésie (ralentissement et réduction des mouvements),
  • Une rigidité musculaire, souvent discrète.

Troubles de la marche et risque de chutes

La démarche devient hésitante, avec des petits pas et une perte de fluidité dans les mouvements. Les risques de chute sont accrus, en particulier dans les situations nécessitant une double tâche (par exemple : marcher tout en parlant ou en répondant à une question).

Les facteurs qui aggravent ces risques :

  • Les troubles de la vision,
  • Les fluctuations attentionnelles,
  • L’hypotension orthostatique (chute de tension en position debout).

Après une chute, la peur de tomber peut entraîner un repli sur soi, une réduction des déplacements et donc un déconditionnement musculaire, ce qui alimente un cercle vicieux de perte d’autonomie.

MCL vs maladie de Parkinson : des différences notables

  • Les tremblements sont moins fréquents et souvent absents au repos.
  • Le tableau moteur est généralement plus symétrique : par exemple, la raideur ou la lenteur touche les deux côtés du corps de manière plus équilibrée que dans la maladie de Parkinson, où les symptômes sont souvent asymétriques au début.

Hypokinésie faciale et troubles associés

L’hypokinésie ne touche pas uniquement les membres : elle affecte aussi le visage, rendant les expressions plus figées. Le malade cligne moins des yeux, ce qui peut donner l’impression d’un retrait émotionnel ou d’une dépression.

Ce ralentissement facial entraîne :

  • une réduction de la déglutition (hypersalivation),
  • des difficultés d’élocution (voix faible, articulation moins claire),
  • une moins bonne intelligibilité lors des échanges verbaux.

Accompagnement et prévention

Les interventions des kinésithérapeutes et ergothérapeutes sont fondamentales pour :

  • prévenir les chutes,
  • maintenir la mobilité et l’équilibre,
  • adapter l’environnement de vie pour sécuriser les déplacements,
  • prolonger l’autonomie et retarder l’entrée en institution.

⚠️ Attention aux neuroleptiques : certains médicaments antipsychotiques peuvent induire ou aggraver un syndrome parkinsonien chez les personnes atteintes de MCL. Leur utilisation doit être strictement encadrée.

Les troubles cognitifs : généralités

La maladie à corps de Lewy entraîne une dégradation progressive des fonctions cognitives, suffisamment importante pour perturber les activités de la vie quotidienne.

L’altération cognitive va atteindre une ou plusieurs fonctions intellectuelles.

Les atteintes les plus fréquentes sont :

  • Les atteintes des fonctions exécutives
  • Les troubles visuo-spatiaux (qui ne sont pas des problèmes ophtalmiques)
  • Les troubles de la mémoire
  • Les troubles du langage (compréhension et expression).

Ces troubles peuvent impacter fortement la qualité de vie :

  • désorientation spatiale : Exemple : le malade peut se renfermer de plus en plus chez lui de peur de sortir seul, par crainte de se perdre.
  • désorganisation personnelle : Exemple: le malade ne va plus trouver des objets, des vêtements bien qu’ils soient rangés.
  • perception altérée :
    • Le malade reconnaît mal les objets → (voir fiche technique « hallucinations et illusions visuelles»)
    • L’ angoisse et de l’agitation peuvent survenir particulièrement en fin de journée → (voir fiche pratique « le syndrome du crépuscule »)…

La capacité à éprouver et percevoir à travers les sens (musique, spectacle…) reste intacte , ainsi que la capacité à ressentir du plaisir ou du déplaisir.

Le malade souffre d’ une grande fatigabilité.

Le malade a conscience des troubles et des répercussions et peut en souffrir.

MCL vs Maladie d’Alzheimer : comprendre les différences

FONCTION AFFECTEE MCL ALZHEIMER
MémoireRelativement préservée au débutAltération précoce du stockage de nouvelles informations
Fonctions exécutivesTroubles précoces : difficulté à organiser ou enchaîner des actions simplesMoins touchées au début
Fonctions visuospatialesPrésence fréquente d’agnosie (objets non reconnus) prosopagnosie (visages non reconnus)Troubles plus rares ou plus tardifs

Bien que proches dans leurs effets, la MCL et la maladie d’Alzheimer présentent des différences importantes, surtout en début de parcours:

  • une personne atteinte de MCL peut se souvenir d’un événement récent, mais ne pas reconnaître sa propre cuisine ou suivre une recette simple,
  • la MCL provoque une atteinte cognitive différente de celle d’Alzheimer,
  • les troubles visuospatiaux et exécutifs apparaissent plus tôt,
  • un diagnostic précis est essentiel pour adapter l’accompagnement et les soins au quotidien.

Les illusions visuelles : une mauvaise interprétation du réel

Contrairement aux hallucinations, les illusions visuelles s’appuient sur un élément réel dans l’environnement, mais qui est perçu de manière incorrecte par le cerveau.
Autrement dit,
les yeux voient bien, mais le cerveau interprète mal l’information.

Par exemple une ombre mouvante peut être vue comme une silhouette humaine, une corde posée au sol peut être prise pour un serpent.

Ces erreurs de perception sont fréquentes dans la maladie à corps de Lewy et peuvent être exacerbées par l’environnement, notamment :

  • une lumière faible ou changeante,
  • des ombres mal définies,
  • une solitude prolongée ou un manque de stimulation relationnelle.

Dans ces conditions, le cerveau, en manque d’indices visuels clairs, « devine » ce qu’il croit voir… mais se trompe parfois

Les troubles visuo-spatiaux

Les troubles visuo-spaciaux résident dans l’altération du champ visuel, de l’intégration ou du traitement de l’information visuelle.

Exemple : un élément en partie caché peut être mal perçu, les objets peuvent être mal reconnus, entre autre par manque de contraste entre eux : la relation entre les objets devient plus ardue à réaliser.

Ces troubles visuo-spatiaux ne sont pas liés à des problèmes ophtalmiques.

Les retentissements dans la vie quotidienne peuvent être importants:

  • Ils peuvent limiter le malade dans ses sorties (peur de se perdre).
  • Le malade peut ne plus trouver des vêtements rangés dans sa garde-robe.
  • Le fait de ne pas reconnaître les objets peut entraîner des illusions (voir fiche technique « hallucinations et illusions »), des angoisses, des symptômes liés au syndrome du crépuscule (voir fiche pratique « le syndrome du crépuscule »)…

 MCL vs Maladie d’Alzheimer :

Ces difficultés et ces dysfonctions visuospatiales (désorientation, difficulté à reconnaître des objets « agnosie » , ou des visages « prosopagnosie »), peuvent apparaître très tôt, et sont beaucoup plus fréquentes dans la MCL que dans la maladie d’Alzheimer et les autres maladies dégénératives.

Les troubles des fonctions exécutives

MCL vs Maladie d’Alzheimer : des différences clés

• Dans la MCL, les troubles exécutifs (comme suivre les étapes pour préparer un repas) peuvent apparaître très tôt.

Les troubles du langage (compréhension et expression)

La MCL peut entraîner des troubles du langage (aphasie) qui affectent :

L’expression : les mots se perdent, sont remplacés par d’autres plus simples, ou deviennent confus,

La compréhension: la personne malade comprend de moins en moins bien ce qu’on lui dit au fil de l’évolution de la maladie.

Le discours devient parfois de moins en moins intelligible, avec des propos incohérents ou hors contexte, souvent influencés par : la confusion mentale, les illusions ou hallucinations, les idées délirantes.

Ces troubles sont liés à plusieurs facteurs : des troubles cognitifs mais également des troubles moteurs parkinsoniens et des fluctuations attentionnelles.

Au niveau cognitif, les troubles du langage sont liés à des difficultés de compréhension, la difficulté à formuler des phrases complexes, la difficulté à trouver les mots, une confusion possible dans les mots utilisés.

Les troubles du sommeil et le sommeil paradoxal

Les troubles du sommeil paradoxal (ou sommeil REM, pour Rapid Eye Movement) peuvent apparaître plusieurs années avant l’apparition des autres symptômes de la maladie à corps de Lewy.

Ces anomalies du sommeil durant la phase de rêves constituent l’un des marqueurs précoces les plus caractéristiques de la MCL.

Comportements nocturnes inhabituels

Pendant cette phase de sommeil, normalement associée aux rêves, certaines personnes miment physiquement leurs rêves : ce sont les comportements dits « acting out ».

Le malade peut :
• bouger brusquement les bras ou les jambes,
• s’asseoir sur le lit, se lever, voire tomber,
• parler, crier ou exprimer des émotions fortes,
• avoir des rêves intenses, désagréables ou violents, qui le poussent parfois à se débattre contre la personne qui dort à ses côtés.

Ce comportement nocturne est souvent ignoré ou minimisé au début, d’autant que le malade n’en a pas toujours conscience. C’est généralement le conjoint ou la personne qui partage le lit qui en fait le signalement, en remarquant une agitation anormale ou des interactions physiques pendant la nuit.


⚠️ Un symptôme révélateur… mais pas exclusif

Bien que présents chez 80 % des malades atteints de MCL, ces troubles ne sont pas spécifiques à cette maladie. Ils peuvent aussi apparaître chez des personnes souffrant d’autres formes de démence, comme la maladie d’Alzheimer, notamment lorsqu’il s’agit de formes mixtes avec des corps de Lewy.

À noter également : tous les patients ayant des troubles du sommeil REM ne développeront pas nécessairement une MCL.

Ces troubles du sommeil REM font aujourd’hui partie des critères diagnostiques retenus pour identifier la MCL. Leur identification précoce, souvent grâce aux témoignages des proches, peut jouer un rôle clé dans l’orientation diagnostique.

Le syndrome d’apnée du sommeil (SAS)

35 à 60% des malades à corps de Lewy présentent un SAS. Un ronfleur peut se réveiller 40 à 50 fois par heure et voir son sommeil très perturbé. Il va dès lors présenter une fatigabilité importante, des troubles de la concentration et se montrer irritable.

Comment y remédier ? Utiliser une CPAP (continuous positive airway pressure) pour mieux respirer la nuit et éviter les micro réveils. (voir fiche sur la gestion des SAS).

Les troubles de la mémoire

Les troubles de la mémoire peuvent ressembler à une maladie d’Alzheimer mais le plus souvent ils sont secondaires à un trouble de la concentration avec une atteinte de la mémoire de travail. Le malade peut faire appel à sa mémoire de stockage mais il va mettre du temps à aller rechercher ses souvenirs.

Ce ralentissement se manifeste également dans la pensée et l’action : le malade peut réagir plus lentement, avoir besoin de plus de temps pour répondre à une question, initier un mouvement, réaliser une tâche ou s’adapter à un changement. Il s’agit là d’un signe fréquent de la MCL.

  • Dans les premiers stades de la MCL, la mémoire peut être relativement bien préservée, contrairement à ce qui se passe dans la maladie d’Alzheimer.
  • Dans la maladie d’Alzheimer, les premiers signes concernent plutôt le stockage de nouvelles informations dans la mémoire à long terme. Autrement dit, les personnes oublient rapidement ce qu’elles viennent d’apprendre ou de vivre.